Imagina 2008, compte-rendu

30/01/2008 07:48

 Compte-rendu des conférences à IMAGINA 2008.

 

Journée du 30 janvier 2008, conférences sur l’architecture, animées par Frédéric Genin, architecte.

Thème : DE LA CONCEPTION DE BATIMENT 3D A LA CONSTRUCTION VIRTUELLE

 

La plupart des interventions de cette session portaient sur les questions de BIM et de maquette 3D, sujets déjà abordés lors de l’édition 2007 d’Imagina, et qui constituent à juste titre un thème de réflexion majeur pour les agences d’architecture.

Les discours marketing des différents éditeurs de logiciel destinés aux professionnels de l’architecture convergent depuis quelques années, et mettent en avant le BIM (Building Information Model) comme étant LA solution, parée de tous les avantages : efficacité pour l’architecte, aussi bien pour les phases de conception que de production des pièces du projet, interopérabilité facilitée avec les acteurs du projet (bureaux d’études techniques, qui effectuent leurs calculs sur la maquette transmise par l’architecte ; maître d’ouvrage qui pourra assurer la gestion et l’entretien du patrimoine bâti). Dans cette logique, les échanges entre logiciels sont de préférence assurés via le format de fichier IFC (Information For Construction), standard international.

Cependant, dans la pratique quotidienne, de nombreux architectes continuent à produire à l’aide de logiciel 2D de type « planche à dessin électronique », se contentant de reproduire numériquement les gestes ancestraux du dessin technique codifié sur des feuilles de calque. Pourtant, les outils de type BIM se répandent, répondant aux demandes des utilisateurs, et apportent des gains en matière de productivité.

Les témoignages entendus à Imagina permettent de se faire une idée sur la pénétration effective des outils de type BIM au sein des agences d’architecture. Voici une synthèse des propos entendus.

 

Concevoir un bâtiment ou une infrastructure virtuellement

Qu’est-ce que le bâtiment virtuel (BIM) ?

 

Alan Lamont, Vicec President, Bentley System Inc.

Le BIM s’installe dans les agences.  Il faut que les différents modèles (routes, pont, bâtiments) soient interorpérables.

Aujourd’hui, les agences font encore comme il y a 23 ans : du dessin ! Il faut gérer le changement, les éditeurs doivent aider les utilisateurs.

Or, les projets deviennent de plus en plus complexes, ils nécessitent des contrôles sur les dimensions pour définir les formes. La possibilité de découvrir les erreurs potentielles à l’étape de la conception permettra de réduire les délais de construction.

Les équipes (concepteurs, maître d’ouvrage, entreprises, gestion de projet) doivent travailler en liaison plus étroite, et devront travailler plus efficacement.

L’utilisateur doit attendre une intégration fine de toutes les informations de la part de son fournisseur de logiciel, il doit aussi avoir le choix sur les formats de fichiers (tels IFC, PDF, DWG, DGN, …) Le BIM est un processus.

 

On note une économie de 20 à 30% du coût de la construction pour les projets développés en BIM. Ainsi, sur un projet pour Daimler d’une usine numérique, en 5 ans, l’objectif a été atteint à 109% : on a réalisé 20% d’économie dès le projet traité de cette façon.

La démarche BIM est particulièrement adaptée à certains projets, à certaines phases.

En conclusion, la question n’est pas de savoir si ça va se passer, mais quand !

 

 

> Alvise Simondetti, Architect Arup

Chez ARUP Virtual Design Service, nous avons la preuve que la démarche BIM permet de travailler mieux, moins cher, d’être plus efficaces. Pour nous qui sommes ingénieurs, les architectes sont des concepteurs spatiaux. Que pouvons-nous faire de la modélisation 3D ? De l’immersion, des conférences internes du réseau, des liaisons entre spécialistes, avec partage du modèle. Il faut partager les scripts entre les intervenants. Pour assurer l’interopérabilité, il faut établir des normes et des matrices avec tous les logiciels utilisés, et entre les gens qui savent les relier.

Il faut mettre les outils dans les mains des utilisateurs : en tant que concepteurs, nous faisons des efforts pour l’utilisateur, nous communiquons avec les clients.

Le modèle 3D est également utile pour la gestion des menaces et risques sur des bâtiments comme des tours : en cas d’incendie, des scénarios appropriés permettent, depuis la salle de commandes, de guider l’évacuation, de commander des caméras.

Il y a également une convergence entre l’écologie et le BIM : par exemple, sur un projet de cité en Chine, nous avons pu donner à l’architecte de vraies recommandations pour son plan, en fonction du soleil, du vent, du bruit…

 

 

Les enjeux actuels de la « construction virtuelle » de bâtiments

 

A) Pourquoi parler de « construction virtuelle » ?

> Edoardo Luzzatto-Giuliani, Director, Europe, Gehry Technologies, INC.

 

Quelle continuité depuis le design jusqu’à la construction ?

Nous avons chez Gehry un héritage et une expérience de la collaboration avec Dassault. En 1998, nous avons fait une représentation 3D complète du projet pour Disney.

Depuis, nous avons intégré la 4ème dimension : le temps.

Et nous en sommes maintenant à la 5ème dimension : l’intégration des attributs, des données sur les matériaux, la maintenance, de bases utiles pour la gestion de patrimoine.

Le BIM c’est une philosophie, pas seulement des technologies.

Au Danemark, le gouvernement exige des modèle 3D pour les demandes de permis de construire. On répond aux demandes des clients : pour le stade de Pékin, on a fait des recherches sur de nouveaux matériaux.

Le BIM ne rallonge pas les délais de conception : grâce aux analyses, on évite de faire plusieurs fois la même chose. Le BIM représente 0,5 à 1% du coût de la construction, ce n’est pas prohibitif, cela permet de plus une réduction des coûts, une réduction des risques.

La 3D est aussi une référence pour le travail quotidien des corps d’état, la 5D contient désormais toutes les informations sur le projet…

 

 

B) Le « tout 3D » en agence d’architecture : un rêve ou une réalité ?

> Jean-Noël Burnod, Architect, Atelier 234

 

L’Atelier 234 regroupe 3 agences qui se sont réunies récemment. On avait le problème d’outils différents (ArchiCAD, AutoCAD, Minicad…)

Nous avons voulu initier une nouvelle démarche basée sur des outils BIM. Nous avons choisi un projet pilote : un programme privé de bureaux de 60 000 m2, mené par une équipe de 10 personnes, qui ont été sectorisées et responsabilisées.

On remarque que les gens qui utilisent bien ces outils sont ceux qui savent construire, qui ont une expérience chantier : ils ne vont pas tenter de représenter un garde-corps avec un objet mur détourné, qui ne conviendrait pas.

A l’agence, il n’y a que des architectes, et pas dessinateurs. L’acte de construire réellement est différent de tirer des traits à l’écran !

Un projet BIM est très modifiable, le client le demande.

On a encore cependant des problèmes de manque de standard, ou de différence entre les standard du CSTB et ceux des logiciels américains. Les échanges volumétriques sont une réalité, mais ce sera encore long pour les échanges de données.

 

> Tim Williams, Head of Workplace, BDP

Comment motiver à passer en 3D dans une structure de 1000 employés ? En mixant les données et les outils 2D et 3D.

 

C) La maquette virtuelle : un référentiel au service de la simulation 3D

 

> Nadir Tazdaït, Readymade

Notre société a d’abord été spécialisée dans la réalisation de visites virtuelles pour des bâtiments publics, notamment des musées (rénovation de Beaubourg, quai Branly), afin de faire de la muséographie en temps réel, interactive, et faire de la communication.

Depuis 3 ans, nous sommes passés au réel : suite à un appel d’offres, nous avons gagné le concours pour un musée de musique à Nice.

Nous nous sommes posé la question, en tant que concepteurs cette fois : comment introduire la 3D, le BIM ? Et ceci avec des honoraires d’architectes moins importants que ceux des missions 3D précédentes. Quelle pertinence à la communication dans ce cas ? On risque d’être dans la position de l’arroseur arrosé, avec beaucoup de remarques de nos interlocuteurs (peu comprennent les plans, mais posent des questions en voyant du 3D…).

Un essai de travailler la trame de plafond n’a pas été concluant, nous avons alors étudié les socles des œuvres à présenter, afin qu’ils soient usinés en 3D, mais il n’est pas facile d’utiliser ces outils, même pour des gens qui ont la culture du numérique.

 

> Nicolas Bonvalet, Responsable mobilités et recherche, Arep Ville

Avec Mickael Rouille, ingénieur à l’INRIA de Rennes

 

Nous avons utilisé SIMULEM : outil de simulation des espaces de mobilité et de proximité, pour la mise en conformité d’un métro.

En amont du projet, on définit des concepts d’organisation de l’espace, qui font l’objet de formalisation ensuite. On procède à la modélisation des usages du bâtiment : il faut gérer l’affluence, la foule, et la personne seule : l’individu face à la foule. Nous ne faisons pas des études de flux, mais cherchons les meilleures conditions pour les individus, qui obéissent à des choix non déterminés, des contraintes.

En 2D, on ne peut gérer que des planchers, et non pas des sites multi-niveaux. Il faut des outils qui s’intègrent dans une réflexion. Le train est l’horloge d’une gare (ce qui n’est pas le cas du métro) : les mouvements de foule sont définis par l’horaire des trains. On étudie des environnements fortement peuplés, et par exemple l’accès aux guichets.

Nos foules virtuelles sont composées de plusieurs milliers d’agents autonomes, qui prennent leurs décisions.

 

Conclusion : conception et construction de bâtiments virtuels : annonce marketing ou réalité ?

 

A la lumière de ces témoignages et expériences, on peut dire que la maquette numérique virtuelle devient une réalité, et fait ces preuves lorsqu’elle est utilisée. Cette démarche va devenir une nécessité pour les concepteurs.

 

 

 

Journée du 1 février 2008, conférences sur le Paysage, animées par Philippe THEBAUD – Architecte Paysagiste, Urbaniste, Directeur de GVA et TUP.

 

Thème : DE LA DONNEE GEOGRAPHIQUE A LA MAQUETTE VIRTUELLE DANS LE PAYSAGE : LA 3D FAIT SA REVOLUTION DE PAYSAGES

 

Comme le signale Philippe Thébaud en ouverture de séance, on constate que ça bouge au niveau des technologies, de la population, de la législation. La population a le droit de défendre son paysage, différemment et mieux qu’hier (grâce notamment à la Convention Européenne du Paysage). Il n’y a pourtant aucune formation spécifique de la population sur ce sujet. La 3D va faire changer les mentalités, et les relations des professionnels avec ceux avec qui ils vont travailler.

 

 

Introduction

> Pierre Marie TRICAUD, Président de la Fédération Française du Paysage (IAURIF)

Les architectes-paysagistes (landscape architects selon le terme international) sont à moitié à leur compte, ou salariés du public : ceux qui font et ordonnent la politique du paysage.

L’enjeu est désormais le grand paysage, le devenir des territoires. Il y a besoin d’inventer des outils. On note de grands progrès, avec la banalisation de la simulation, l’image de synthèse n’épate plus, et c’est tant mieux. On ne regarde plus le réalisme des images, maintenant quasi parfait. On regarde désormais ce que montre la photo, et non plus la photo elle-même. Il y a donc des possibilités de contrôle : les outils deviennent utilisables par tous.

 

Protéger les sites et les paysages grâce à la simulation 3D

 

> Maguelonne Dejeant-Pons, Secrétariat Général de la Convention européenne

du paysage, Conseil de l’Europe, Chef de la Division de l’Aménagement du territoire et du paysage.

Présentation de la Convention Européenne du Paysage.

Le paysage concerne aussi les droits de l’homme, il y a une prise en compte durable et sage du territoire. On relève les dimensions sociales, économiques du paysage.

 

> Jean-Paul Durand, Paysagiste et Christian Julien, Responsable CAO à l’ENCEM.

« Sensibiliser » par la maquette virtuelle : le cas des Mines et Carrières.

Il s’agit de prévoir les impacts des travaux de carrière pendant 30 ans. L’outil Landsim 3D a permis de créer une maquette de 25 km2, présentée au conseil municipal, avec les différentes évolutions.

 

Les enjeux de la maquette virtuelle dans l’étude des paysages

 

> Hélène Durand, Expert en SIG, Responsable de l’Atelier Languedocien d’information Spatialisé

Le mariage des SIG et de la 3D : un atout en phase d’étude et de conception. Ainsi, pour l’étude du trajet du Train Jaune dans les Pyrénées Catalanes, on a put faire des simulations des différentes vues, de la voie dans le paysage et depuis le train.

Dans un autre cas, pour une présentation de grand paysage, nous avons créé une maquette 3D avec Landsim en 4 heures seulement.

 

Thierry Meunier, Responsable CAO pour le groupe APRR (Groupe EIFFAGE)

Dans le cas des études pour les tracés d’autoroutes, il y a des choix techniques et économiques pour les outils de CAO et de SIG. Il y a des échanges de données, une mutualisation s’opère entre les communes et les grands opérateurs.

 

Pernette Messager, Chercheur et Expert en modélisation de paysages au Maclaulay Institute, Royaume-Uni

Faut-il visualiser des paysages par la Symbolique ou le Photo-réalisme ?

Il y a différentes façons de représenter le paysage, avec des objectifs et des résultats différents. Il faut établir un code de déontologie de la représentation numérique du paysage.

 

 

Convergence entre SIG et maquette 3D : une nouvelle ère de partage

 

«Etudier et analyser» un paysage grâce à la donnée géo-référencée

> François Brun, Directeur Général IGN

Présentation des différents outils proposé par l’IGN : BD ortho, avec une résolution de 50cm, BD topo avec les altimétries, site web Geoportail. Il y a une mise à jour des bâtis, des infos sur les parcellaires.

Le projet bâti 3D répond aux sollicitations des collectivités locales, en partenariat avec des sociétés spécialistes de la maquette virtuelle.

Evocation du concours pour le siège de l’IGN à St Mandé, pour lequel une visualisation des différents projets a été assurée par un prestataire, à partir des modèles 3D fournis par les architectes. Le jury a été unanime sur le choix du projet retenu, il a pu appréhender le vrai sujet du projet : l’intégration dans le site, l’environnement, alors qu’à travers les présentations les architectes privilégient surtout l’objet architectural.

 

> Daniela Brica, 3D captain EMEA, Google Switzerland

Avec Google Maps et Google Earth, nous cherchons à organiser les informations géographiques du monde, et à les rendre accessible de façon universelle et utile. Le texte et les images fournissent de l’information, mais la 3D est un média plus riche, immersif, plus utile. Les informations 3D permettent d’augmenter le tourisme et le développement économique, de faire de la navigation et de l’analyse géographiques, de planifier l’environnement urbain, de faire du facilities management, d’assurer la sécurité et prévenir les crimes, d’établir des plans d’urgences et d’évacuation…

Nous travaillons avec des fichiers 3D fournis par des utilisateurs individuels, qui partagent leurs objets sur le site, et disposons aussi de modèles de ville, qui ne sont pas librement diffusés, et sont disponibles selon autorisations gouvernementales.

 

 

Du géo-typique au Géo-spécifique

> François Gruson, Directeur de ARCHIVIDEO : l’approche géo-typique

Dans le secteur du bâtiment, il y a une grande pratique et une qualité de la représentation : les plans sont précis. Quelle est alors la valeur ajoutée de la synthèse d’image, par rapport aux outils maquette, dessin, plan ?

Nous cherchons à optimiser les cycles de production des maquettes 3D de ville, pour répondre aux demandes et aux budgets des clients. Notre équipe de recherche et développement créé des outils et des méthodes pour créer ces maquettes, avec une approche particulière de la modélisation, comme en physique expérimentale, pour produire des modèles qui s’approchent de la réalité.

Il y a différents modes de représentation de la réalité (pour les façades, les arbres…), quels en sont les usages ? Comment créer des maquettes immersives ?

 

> Fabrice Morlet, Directeur de VIRTUEL CITY : l’approche géo-spécifique

Présentation des travaux réalisés pour la ville de Montbéliard, qui a été modélisée en 3D spécifique. L’approche n’est plus celle des agences de communication, mais celle des données géographiques. Il y a une démarche de production industrielle, des processus automatisés, il faut 3 à 4 mois pour modéliser une ville entière en mode géo-spécifique (les façades de la maquette sont reproduites à partir de photos individuelles des immeubles prises avec un véhicule équipe, le SnapCar, et non restitué à partir de modèle génériques).

 

Les coûts de réalisation sont comparables dans les méthodes géo-typique ou géo-spécifique : de 20 à 30 000 € pour une ville de 30 à 50 km2 (hors les droits associés aux données IGN).

Il n’y a pas de standard pour ce type de données : Google Earth et le GéoPortail IGN n’ont pas le même système de références.

 

Conclusion de la journée par Philippe Thébaud : il n’y a pas de consensus, mais on observe une prise de conscience collective, une mutualisation, un partage des savoirs. L’image 3D est un nouveau regard des uns et des autres. On avance avec une certaine sagesse, les élus sont intéressés, les décisions sont instantanées quand ils comprennent.

 


Propos recueillis lors des conférence par Olivier CELNIK, architecte, enseignant à l’ENSA Paris-Val-de-Seine, chercheur à l’EVCAU.

 

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